Partir tranquille est un thème qui expose une mélodie et une harmonie relativement simple, dans le style latino jazz. L’ensemble est joyeux, sans modulation ni cadence mineure. Il a été enregistré sur l’album « Rapaz » de l’ensemble TRANSITZONE latino jazz band en 2006 au studio Le Moulin Musical à Pornic 44.
Extraits de l'arrangement guitare du standard Partir tranquille
Quand on harmonise un thème relativement rapide et syncopé comme Partir tranquille, Il vaut mieux éviter de plaquer des accords de 4 sons sous toutes les notes de la mélodie susceptibles d’être harmonisées. C’est techniquement possible pour un virtuose mais est-ce bien nécessaire à l’exposition de la mélodie?
L’harmonisation de Partir tranquille est conçue pour une guitare soliste, c’est à dire qu’elle doit à la fois exprimer la mélodie et l’harmonie. La guitare n’a pas les mêmes possibilités harmoniques que le piano, qui peut jouer verticalement 8 notes différentes. Le guitariste n’a que 4 doigts actifs à gauche comme à droite, donc pas plus de 4 notes différentes, sauf en déroulé de la main rythmique où 6 notes différentes sont alors possibles, avec des notes répétées à l’octave ou avec 2 tensions ajoutées. A l’inverse, quand on joue ce type de thème accompagné d’un orchestre, on n’a plus les mêmes contraintes et l’on est plus à l’aise pour donner du « corps et du son» à la mélodie en single notes.
L’harmonisation à 2 voix peut présenter et utiliser les 12 types d’intervalles. Ces intervalles à 2 sons doivent être « compris, intégrés » par le musicien en regard de l’accord désigné dans la mesure, à l’instant où ils sont joués. C’est la seule méthode pour apprendre l’arrangement par cœur. Il en résulte que ce parti pris d’une harmonisation à minima de la mélodie n’est pas évidente à jouer sur une guitare. La plupart des guitaristes (à part les classiques) ne sont pas habitués à cette pratique car les repères habituels (accord de 3 et 4 sons) sont absents. C’est en tout cas un exercice très bénéfique pour l’oreille et la consolidation de « l’instinct des doigtés ».
Nous l’avons déjà évoqué, dans toute composition/arrangement, il faut faire des choix. Ils sont dictés à la fois par le soucis de faire entendre la progression harmonique sous la mélodie et dans le même temps par la nécessité d’un doigté techniquement exécutable au tempo favorisant une musicalité satisfaisante. Pour ce faire, on harmonise avec un minimum de notes sous la mélodie, une ou deux suffisent.
Par exemple mesure 18 la note LA de la mélodie est portée par une seule note en dessous, le FA#. Techniquement on pourrait ajouter en dessous, la fondamentale, et obtenir ainsi une triade majeure complète ; mais la note RÉ arrive juste après sur le temps faible, le lien sonore horizontal produit alors une synthèse harmonique suffisamment explicite.
Parfois, plusieurs doigtés sont possibles. Pour faire le bon choix, il faut chercher le maximum d’efficacité en tenant compte de l’activité technique des mesures suivantes et du son que ces doigtés induisent. Observez l’utilisation des cordes à vides notamment pour la note Mi, bien pratique pour « aérer » le jeux et libérer le doigté.
Ce thème est idéal pour ce type d’exercice d’écriture à 2 ou trois voix. Il oblige à imaginer des solutions qui soient réalistes.
Ces solutions sont empruntées aux doigtés des études de la guitare classique. Cependant, les compositions de musique classique doivent être interprétées à la lettre, avec le respect des indications d’expressivité du compositeur ou de l’arrangeur.
Nous, musiciens de musique « vivante » avons une certaine liberté dans la façon d’interpréter un thème. Rien ou presque n’oblige à une stricte interprétation puisqu’il n’y a pas d’indication formelle.
Cette harmonisation de Partir tranquille, comme d’ailleurs tous les thèmes de ce recueil de standards sont une base d’étude, il revient à chaque interprète d’en tirer le parti qui convienne à son oreille.
Conseil en matière d’écriture et d’arrangement
On veut souvent en faire trop et cela peut desservir le jeu et la musicalité. La sobriété et l’efficacité artistique sont les meilleures conseillères. Le meilleur outil de l’arrangeur c’est la gomme !
Concernant l’interprétation de l’écriture, quelques appogiatures sont proposées à titre indicatif ( ex: mesures 19)
Travaux : Prenez un thème qui vous est cher, dans le même esprit que celui-ci et harmoniser-le avec deux ou trois notes sous la mélodie, à vos crayons !
Extrait vidéo : Partir tranquille de Jean Geeraerts - Arrangement
Partition : Partir tranquille de Jean Geeraerts - Arrangement
Extraits du solo guitare du standard Partir tranquille
Le parti pris
Pour l’écriture du solo, le parti pris est de composer avec un maximum de notes appartenant à la tonalité, en évitant d’utiliser toutes les idées outils (I.O. Voir le volume I) qui exposent de trop fortes tensions comme l’approche chromatique des notes, les modes mineurs mélodiques, la ré-harmonisation. Les notes étrangères à la tonalité sont avant tout exprimées par la présence des secondaire dominants.
Exemple en mesure 16 l’accord A7 n’exprime rien d’autre que les 4 notes de l’arpège alors qu’il est parfaitement concevable pour cet accord de jouer les notes du substitut dominant soit Eb7 en mode Lydien b7, soit les tensions 9b 9# 11# 13b pour A7
Ce qui n’exclue pas d’utiliser des idées comme la reproduction, exemple : la mesure 7 est l’exacte reproduction de la mesure 6, l’accord E7 devient Emi7, une seule note change, donc un minimum d’éloignement de la tonalité de base, idem en mesure 22 et 23.
Ce type de parti pris favorise une plus grande dynamique du rythme mélodique.
Autre exemple mesure 37 à 41, ou mesure 41 à 44, c’est le même rythme mélodique qui est reproduit mais adossé à l’harmonie des accords.
Le solo commence en mesure 1 et 2 par une progression en arpège à 3 sons, c’est un exemple tiré du volume I du recueil et qui démontre que dans une zone tonale (D – Emi / A7) on peut utiliser des arpèges en triades, qui jouées en mode binaire, décalent harmoniquement les temps forts, (notes grisées).
De la mesure 37 à 41 est reproduit le même modèle rythmique en exposant les 2 premières notes, croche et noire pointée, avec 3ce et 7ème.
Notez l’unique ré-harmonisation chromatique, en mesure 32, Emi7 puis Fmi7 approche F#mi7 c’est l’exception qui confirme la règle !
Les lignes mélodiques sont plutôt dans un esprit de continuité, c’est à dire que l’on évite d’utiliser les arpèges en 2 octaves qui créent de grands écarts de tessiture, exemple mesure 10, qui utilise le mode Lydien descendant et qui va résoudre de la façon la plus simple vers la tierce de G7maj.
En mesure 41 et 43 sont exposés sur le premier temps 2 intervalles de 7ème mineure. Quand on improvise, c’est une bonne idée d’exposer différents types d’intervalles, et de les reproduire, il suffit d’y penser !