Jaquette de l'album Transit zone

La formation TRANSIT ZONE de 1986

C’était une belle aventure réalisée avec une majorité de musiciens locaux de la région Nantaise. Certains des cuivres venaient du big band de Bob Dixon, arrangeur et trompettiste Nantais de talent. Pour la petite histoire, Il nous regroupait une fois par semaine à l’étage du café du commerce. C’était un bordel sans nom pour faire jouer cette quinzaine de musiciens. Certains venaient régulièrement, d’autre pas, certains travaillaient leur partie, d’autres s’en foutaient, bref il avait bien du courage le Bob et j’avais un peu pitié de le voir se débattre avec la contingence ! Mais c’est ce qui m’est arrivé par la suite…

Cet album TRANSIT zone de 1986 à été produit par le label Nantais RPM, sous la forme d’un 33 tours. Le label aujourd’hui disparu m’a cédé les droits et j’ai fait remixer le son en 2000, en pressant une nouvelle mouture sous forme de CD, dont vous pouvez écouter 3 extraits sur le site.

Le nom de groupe TRANSIT zone est un assemblage de deux mots, transit et zone. Cela évoque d’abord la zone de transit des aéroports, là où disparaissent les frontières, là où l’on se prépare à changer de direction. Grâce à internet, aux transports intercontinentaux, il n’y a plus de barrières culturelles dans le monde des musiciens d’aujourd’hui. La musique du monde entier s’écoute dans le monde entier, se partage, se critique, s’apprécie, se copie, se rencontre dans ces zone de transit.
Plus tard en 2006 lune nouvelle formation prendra le nom de TransitZone Latino Jazz Band et enregistrera en 2006 un album très influencé par la musique Brésilienne et le jazz latino.

Le socle du combo de TRANSIT zone était composé de Francis Bourrec au saxophone ténor, (un ami que j’ai rencontré à Berklee, plus tard il sera saxophoniste à l’ONJ) Christian Mellier à la basse (qui était dans la 2ème formation du groupe DÜN), Philippe Léogé aux claviers (lui aussi issu de Berklee, il fera par la suite une carrière internationale) et René Beranger à la batterie, (à l’époque batteur du groupe Nantais Bouskidou) et votre serviteur à la guitare.

La section des soufflants était composée de :
Pascal Vandenbulke à la flute (ex DÜN) de Billy Corcuff à la trompette et buggle, (décédé en février 2017), Joël Herissé au sax alto, Alain Pasquier à la trompette, et Philippe Melleys au trombone.

Un jazz exigent mais qui ne se prend pas au sérieux

A mon retour des USA en 1986, j’avais envie de monter un mini big band qui pourrait (enfin) enregistrer mes compositions dans de bonne conditions. A Berklee, j’avais été retenu pour tenir la guitare dans le big band de «  Buddy Rich » de l’école. Dans ce big band j’avais été impressionné par la qualité de jeux des soufflants. Sur scène, le combo était placé devant les cuivres et quand ils jouaient on avait l’impression d’être assis dans une Ferrari tant la qualité, la précision, la puissance du son énorme produit par les cuivres donnait le sentiment de s’envoler, d’être propulsé en avant et dans l’espace. Il faut dire qu’au États-Unis, presque tous les collèges entretiennent un big band composé de jeunes gens, alors nous en France dans ce domaine, on ne peut pas lutter !

Toutes les compositions de cet album ont été écrites en quelques mois à mon retour en France. Le concept artistique global était de présenter un jazz qui ne se prenait pas au sérieux mais avec tout le sérieux et l’exigence nécessaire pour une exécution optimale .

De l’importance de la voix

A cette époque j’avais déjà compris l’importance du chant, de la présence de la voix. J’ai donc composé certaines pièces de cet album avec une voix solo et des chœurs. L’écriture et le contenu poétique des textes n’avait pas plus d’importance que cela. Ce qui comptait, c’était de souligner vocalement les mélodies déjà suffisamment denses (Moment’s Notice de John Coltrane) avec des mots et des phrases au sens légers, burlesque et accessibles.

La médiocre audience du jazz en France viendrait non pas de la musique… mais des musiciens

J’avoue qu’une partie de la production jazz Français de l’époque me laissait perplexe, un style de jazz surtout porté par une clique parisienne plus soucieuse de défendre un pré carré, un genre jazz free qui dans les festivals n’était pas compris du public français et pour dire les choses, leur cassait les oreilles. Je crois que ce jazz là a fait beaucoup de tord à ce style.

Je ne suis pas contre les expériences et les innovations mais j’avais le sentiment que cette tendance envahissait la production française et imposait un « La canon » et du coup étouffait la créativité. Cela ne me paraissait ne pas aller dans le bon sens. Michel Petrucciani disait que la médiocre audience du jazz en France ne venait pas de la musique mais des musiciens, à bon entendeur !

A ce propos, voici une petite anecdote révélatrice.
En 1990 J’accompagnais la chanteuse Vanina Michel ( Editions Salabert) aux Francofolies pour son spectacle Autour de Prévert. Vers 20h, sur la grande scène se produisait l’un des plus grands saxophonistes de jazz au monde : Sonny Rollins. Les musiciens français présents s’attendaient à ce qu’il joue FREE et bien non !
Avec son trio, il ont joué « classique jazz » C’était d’une telle beauté que le public qui ne s’attendait pas à cela était ébloui par tant de maîtrise du style, par tant de beauté sonore. A quelques pas de la scène était installé le catering, l’endroit où les artistes se restaurent. Pendant que Sonny se produisait, la petite clique dont je parle ci-avant était à table, sans se soucier de Rollins. Pourtant chacun pouvait, le nez dans dans son assiette, entendre le concert donné à 10 mètres de là, mais aucun n’a jugé bon d’aller dans les coulisses pour écouter ce monstre sacré. Ce n’était pas du FREE, leur FREE français, alors inutile de se bouger le cul ! Mais je pense qu’aucun d’eux n’était en capacité de rivaliser sur ce terrain jazz « classique » dans lequel Rollins nous a donné une sacré leçon de musique !

Rendez-vous : un titre de facture jazz « classique »

Le titre de cet album 1986 que je préfère, et malgré qu’une partie fut enregistrée en numérique, est Rendez-vous. D’un point de vue de la qualité sonore, le numérique de l’époque était très limité. De facture plutôt « classique » (il présente 3 voix écrites en contrepoint jazz) ce genre de composition exprime ce que j’entends dans ma tête. Je peux mettre des semaines voire des mois pour changer une note ici et là jusqu’à ce que quelque chose me dise qu’elle est terminée ou plutôt que je ne peux plus rien changer ou améliorer.
Le solo est enregistré avec l’un des tout premier synthé guitare, comme celui de Moment’s Notice. Comme je regrette aujourd’hui d’avoir enregistré Boston remembering avec une batterie électronique programmée, quel gâchis mais à l’époque on expérimentait…
Ce qu’on entend de Rendez-vous sur l’album est très très loin de ce que je souhaitais. Cela peut paraître contradictoire mais imaginez, plutôt que des sons synthétiques, j’eus pu bénéficier de vrais cœurs humains, un pupitre de vrais violons et violoncelles, on peut rêver mais aujourd’hui si un producteur lit ces lignes, et qu’il se sente de taille à relever le défi, je suis prêt à retourner en studio pour en faire un chef d’œuvre, modestie mise à part.

Malgré la bonne volonté des producteurs de chez RPM, et un budget studio somme toute limité, il fallait tout faire dans l’urgence. Si mes souvenirs sont encore fiables, Philippe Léogé habitait Toulouse, Françis Bourrec à Bordeau et donc, il fallait qu’en deux répétitions à Nantes tout soit prêt pour aller enregistrer. Idem avec les soufflants, 2 répétitions et on y va. On est loin du big band de Buddy Rich qui bénéficiait d’une répétition par semaine et qui dans ce contexte pouvait présenter un produit archi rodé, toujours la question des moyens !

Autre petite anecdote : la session d’enregistrement a commencée par un rituel bien Nantais.
Juste avant les enregistrements vers 10 h du matin, débouchage de la bouteille de Muscadet. J’étais un peu déstabilisé par le pittoresque de la chose mais on ne touche pas aux traditions et sans doute cela devait-il permettre aux musiciens de se sentir plus « légers ». Après tout, les enregistrements du groupe de Reggae qui était passé en studio avant nous commençait par un roulage de gros joint !

Un album Transit zone salué par la presse

L’album a été salué par la presse de l’époque (article ci-dessous) mais n’a pas connu le succès commercial attendu, sans doute à cause du peu de moyens mis en œuvre pour sa réalisation et sa promotion. Même considération pour la promo des spectacles. Comme toujours en pareil cas, sans concert donc sans revenu, les musiciens du groupe se démobilisent et tout part à vau-l’eau. Des mois de travail et d’investissement pour presque rien !

Extraits de la revue LE NOUVEAU MAGAZINE

L’album TRANSIT ZONE 1ère formation 1986

Le jazz est mort, vive le jazz !
Depuis plusieurs années déjà des musiciens cherchent à faire évoluer le jazz vers « autre chose » en y incluant des apports d’autres styles. Jean Geeraerts bien connu des Nantais pour ses fréquents passages dans les cafés-concert de la ville a choisi sa solution : revisiter le jazz tout en gardant le contact avec les autres musiques et les sons d’aujourd’hui.
Quelle merveille que ce disque ! Une musique magnifiquement écrite (Jean Geeraerts se révèle comme un compositeur de première bourre) superbement arrangée et interprétée par des musiciens de premier rang qui savent faire abstraction de leur technique pour produire l’essentiel .
« Otez les Souliers » vous donnera des fourmis dans les jambes, en souvenir de ses année d’études à la Berklee School ou il gradue en 1985 « Boston remembering » est déjà un classique pour ceux qui l’ont entendu (des cuivres style big-band qui sortent carrément des baffles) « Touchez-nous » et ses vocaux coquins ses parties instrumentales si belle et vivantes, « Moment’ Notice » un classique de John Coltrane légèrement détourné pour le fun !