The shadow of your smile – Johnny Mandel

L’harmonie de ce thème semble emprunter parfois aux cadences mineures (comme suggéré dans les 3 premiers accords) car la dernière mesure de la partie A se termine avec l’accord E mineur mais dans la forme B, la dernière mesure conclu en G majeur. De plus Emi est noté originellement Emi7. En conséquence, l’analyse se fait en G majeur.

Ce qui est à noter dans la progression harmonique, c’est la présence de 3 cadences exposant des accords mineurs 7 avec une 5te bémol (en gras dans l’analyse) suivis de l’accord dominant. Le Ami75b en mesure 34 est une modification, un rajout qui n’est pas dans le thème original.

Cette harmonie « s’amuse » avec nos oreilles. Les 4 premières mesures font entendre la note DO# – comme si on était en D majeur, les 4 suivantes font entendre la note Do bécarre qui est la quarte en G majeur.

En fait dans la 1ère mesure, F#7 n’est pas diatonique de la tonalité de G majeur, car en Mi mineur naturel il n’y a pas de Do#. En principe, cette cadence est mineure et donc cet accord F#mi75b devrait être chiffré IImi75b. Le fait de relever la 5b en 5 juste donne alors le sentiment qu’on est dans une cadence majeure résolvant vers E majeur, mais ce n’est pas le cas. En conséquence on ne chiffre pas cet accord et on improvise soit avec la gamme de Ré majeur, mode phrygien qui prend en compte le C# soit avec la gamme de Emi mélodique qui inclu le C# pour F#mi7 et le Ré# tierce majeure de B7 qui est aussi 7ème majeure de Emi.

Parti pris
Dans ce solo étude, le parti pris pour l’écriture a été d’employer des modes parfois très éloignés de l’harmonie initiale. On constate dès lors que les douze demi-tons de l’échelle diatonique peuvent être utilisés sur presque tous les accords, mais c’est du placement et de la densité rythmique de ces notes et du type de résolution que dépendra la valeur esthétique des phrases.

En conséquence et en théorie, il n’y a pas de fausse note. Par exemple, un accord tel que Gmaj7 Ionien peut être développé dans l’improvisation avec un son blues. G7maj est alors joué G7 mixolydien.
Il peut aussi se décliner avec le mode Lydien soit Gma7 11#, et il y a d’autres alternatives !

Pour le dire autrement, l’acceptation par l’oreille de notes étrangères à l’harmonie et même étrangères à la nature originelle de l’accord dépend de la façon dont elles sont présentées dans le temps, de la vitesse du débit, de comment elles sont « justifiées et résolues» par un chemin harmonique sous-tendu développé par le soliste et enfin quels accents nous leurs donnons sur les temps forts, les temps faibles, les temps intermédiaire, soit tonique (T ) sous-dominant (SD) ou Intermédiaire (I).

Autre parti pris
L’emploi (presque) systématique des modes mineurs mélodiques sur les accords dominants.
Exemple en mesure 6 et 19 l’accord B7 a été altéré et se décline avec le mode Do mineur mélodique. Mais en mesure 22, il se décline avec le mode hexatonique (par tons) Voir ce mode détaillé dans le volume III du recueil.

Idem en mesure 8 est utilisé le mode Bb mineur mélodique pour A7. Dans cette mesure, cet accord A7 est décliné avec ses 2 accords dominants F7 (lydien bémol 6) et Eb7 (Lydien 7 bémol ).

Rappel : pour altérer un accord de fonction dominante incluant 9b, 9# 11#, et 13ème bémol, on joue le mode mineur mélodique situé un demi-ton au dessus de la fondamentale de l’accord.

Cet emploi récurrent des modes mineurs mélodique donne par moment à l’ensemble du solo une couleur très tendue, très « out » mais toujours en résolvant, ce qui permet de « relâcher » la tension.

Observez au dessus de la mélodie que sont souvent écrits (en police Helvética) des accords qui illustrent avec plus de précision la pensée, le chemin harmonique développée par l’improvisateur.
Ex : mesure 6, B7 est noté Cmi7M pour les 5 premières notes, et Bmi75b pour le tétracorde suivant.

L’écriture de ce solo n’a pas cherché à employer la technique du voice-leading mais plutôt une écriture présentant des sauts et des intervalles larges.

Observez aussi certains doigtés certes atypiques, mais qui proposent des astuces sans lesquelles le solo serait techniquement difficilement réalisable, notamment mesure 29 et 30 avec une approche chromatique des notes tirées du volume I

Autre doigté atypique en mesure 23 pour l’accord Emi6. Il est recommandé d’apprendre ces doigtés par cœur car ils vous seront utiles dans bien des cas. Vous pouvez les consulter dans le volume III. Voir aussi pages 104/105 de ce volume un inventaire (non exhaustif) des modes possibles pour ce thème.