F blues

A propos de la mélodie
Ce blues expose en mesure 4 de l’introduction et en mesure 16, 19, 23, 27 de l’arrangement l’une des phrases les plus emblématique du blues. Ce n’est pas par hasard que le compositeur insiste sur ces quelques notes en les reproduisant à plusieurs reprises.

En mesure 4 de l’introduction, est noté l’accord C7 en début de mesure. Quatre notes de cette mesure sont étrangères à C7. Le Do bémol, La bémol, le Fa sur un temps fort et le Mi bémol.

En fait leur exposition est compréhensible si on les analyse comme faisant partie de Gmi7 suivi de C7 et plus encore de les analyser comme étant issues de G7 altéré. Le blues peut tout se permettre !

A partir de là on comprend mieux le phénomène complexe de la relation entre la mélodie et l’harmonie. Observons que dans le 1er tétracorde du thème, la première note est Sib, la 3ce mineure de Gmi7 et la troisième est Do bémol soit Si enharmonique, la 3ce majeure de G7. Pour cet accord de C7 le compositeur juxtapose de fait les blues notes de G7 !

Le Sib est entendu comme une 9ème dièse, ( blue note). Le Lab suivant est la 9ème bémol de G7, le Fa la 7ème. A ce moment, l’harmonie passe à C7 car la note Eb s’entend comme la blue note de C7, de fait comme la 9ème dièse. Ensuite Do et Sib sont respectivement la fondamentale et 7ème, ce qui « conforte C7, alors que le triolet à suivre appartient lui à F7, car Lab et La bécarre mitoyen sont respectivement pour F7 encore le « son » blue note.

On peut analyser autrement ces 8 premières notes et faire plusieurs synthèses en pensant par exemple à Fmi7 / Bb7 qui résout sur F7. A la place de Gmi7 on peut aussi jouer uniquement le pentatonique de Fmi7 en intégrant au jeu sa 5b bémol. Une reproduction de ce phénomène est exposé à partir du 3ème temps de la mesure 14.

On observe dans les mesures 7 – 8 – 11 – 12, sur le 4ème temps, que la mélodie est exposée avec seulement les 2 notes de l’intervalle du triton de l’accord, parfois inversé. Le fait de poser ce triton sur le 4ème temps suggère presque une écriture en ¾, cela perturbe le rythme harmonique attendu, « convenu » en créant grâce à cet accent, un sentiment de décalage.

Observons aussi l’économie de notes dans cette mélodie. Les 2ème temps de F7 et Bb7 sont bâtis sur 2 notes, Fa et Ré. A partir de la mesure 11, est privilégié la reproduction d’un tétracorde, Fa, Sol ,Fa, Ré, Fa.

A propos de l’arrangement
L’approche chromatique est l’une des techniques très prisée dans le blues. Mesure 10, l’accord B79 approche Bb79 ou encore mesure 24, Eb7 approche D7.

Après l’accord F7 les 3 accords des mesures 17 et 18 sont des substituts dominants de l’Anatole, Ab7 remplace D7, Db7 remplace Gmi7 (G7) et Gb7 remplace C7.

Comme il se doit, le thème se clôt avec l’accord emblématique du blues, F79#.

Le parti pris
C’est bien entendu les blues notes qui sont mises en évidence dans ce solo ainsi que l’emploi des modes pentatoniques (voir le volume IV du recueil).

Grille 1
Une des caractéristiques des mélodies (solo) du blues est l’emploi de la double approche chromatique (D.A.C. ) exemple mesure 4, Sib et Lab approchent le La bécarre.

Dans la mesure 5 l’accord F7 est remplacé par son substitut dominant Cb7, mais les notes de la mélodie sont entendues sous un autre angle, Cmi7 est remplacé par Ebmaj7 et Cb7 par Ebmi75b, pourquoi ?

Quand on improvise, il est bon de toujours garder à l’esprit qu’un accord peut être compris et entendu de manière différente. En tonalité de Bb l’accord Cmi7 est le 2ème degré et Eb7M le 4ème (Lydien). Dans le jeu improvisé, le fait de penser Ebmaj7 plutôt que Cmi7 nous suggère de jouer, de développer l’arpège de Eb sur les temps forts. Pour affiner ce point de vue, on peut sur Cmi7 développer tous les accords et modes qui incluent la note Bb, sa 7ème et la note Eb, sa tierce mineure, soit Ab7maj, Ab7, le mode Ab mineur mélodique, Db mineur mélodique, Bb mineur mélodique etc. Ebmi75b est le relatif mineur de substitution de Cb7. Employé comme tel, il fait entendre Cb79 sans fondamentale.

Une autre caractéristique du son blues (mais pas que blues) est de placer sur le premier temps l’intervalle du triton. Exemple mesure 6, Ré et Lab pour l’accord Bb7. En mesure 12 sous D7 est placée la tierce suivie de la 9ème bémol ce qui produit un intervalle de 6te majeure, lui aussi très prisé dans le blues bebop et ce même intervalle intervient aussi un demi-ton au dessus dans la mesure suivante sous C7 (notes grisées).En mesure 7, l’accord Bdim 7 est exposé en triolet adossé sur le mode par ton. Les notes Solb, Sib et do sont des tensions éloignées de Bdim7 (mais pas de F7) et le mouvement ascendant résout très bien sur F7

Grille 2
Dans la composition de ces 12 mesures, le parti pris a été de reproduire presque systématiquement un modèle avec quelques ajustements. Le 1er tétracorde de la mesure 14 est le même mesure 16 – il est ajusté mesure 18, reproduit mesure 20 et 22. Ce type de reproduction conforte l’auditeur dans sa perception d’un discours musical structuré (qui ne part pas dans tous les sens).

Grille 3
Dès les 4 premières mesures, le solo s’adosse à la ré-harmonisation selon la technique des dominantes étendues. Cette ré-harmonisation se fait « en arrière » à partir de la mesure 30. En partant de cet accord Bb7, les accords sont construits en arrière par intervalles de 4rte descendantes, Bb7 va vers F7, F7 va vers C7 etc. et c’est ainsi que l’on obtient mesure 25 l’accord F#7 qui remplace F7, un demi ton au dessus. C’est bien entendu une sacrée « provocation » qui produit au début (F#7) des tensions extrêmes, mais qui au fil du jeu laisse entendre progressivement un retour à l’harmonie attendue mesure 30, soit Bb7

Il faut noter que l’accompagnement du MP3 « colle » à cette ré-harmonisation. Dans la situation de jeu live sur scène les musiciens aguerris connaissent ce procédé et avant de s’engager sur la grille, se font un signe prémédité pour ajuster l’accompagnement à cette ré-harmonisation.

Grille 4
Emploi des pentatoniques. (les pentatoniques sont indiqués en mode majeur)

Mesure 38 expose F pentatonique majeur. L’accord suivant est E7, substitut dominant de Bb7, ainsi considéré il suffit de jouer le pentatonique un demi-ton en dessous. En y regardant de plus près mesure 39, le Sol# est enharmoniquement Lab, 7ème de Bb7, respectivement le Si bécarre est la 9ème bémol, le Do# (Réb) est la 9ème dièse, le mi est la 11 dièse, le Fa dièse la 13ème bémol. Même observation en mesure 41 dans laquelle F7 est entendu comme B7

Conseil : Analysez chaque pentatonique présenté dans le solo 4 et cherchez les concordances de fonction des notes avec l’accord d’origine.

Chromatisme : En mesure 38 le modèle (pattern) est intégralement reproduit en mesure 39. Idem en mesure 44 – 45, le solo se termine par une phrase « cliché blues ».