Avec Marc Eliard à la basse, bassiste du groupe Indochine depuis 1992, et Jean Chevalier à la batterie. Âgé de 72 ans, le batteur surnommé « Popof » s’est éteint en septembre 2014. Il était incontestablement l’une des figures du jazz à Nantes depuis plus de quarante ans. Il avait en permanence dans son jeu cette soif d’innover, d’improviser, de casser le jouet pour en faire un autre, le tout avec beaucoup d’humour.
Ça a été pour moi une chance de jouer avec lui car son jeu, d’une réelle inventivité à chaque instant ne laissait indifférent ni les musiciens ni le public. Quand à Marc, il était très sollicité dans la région car c’est un musicien dans l’âme. Dans un orchestre c’est un pilier sur lequel on peut compter, j’ai toujours considéré que dans une formation le vrai patron c’est le bassiste et surtout en formation jazz.
Le blues de Doulon : un enregistrement qui témoigne de la créativité sans limite de l’époque
Le support de cet enregistrement provient d’une cassette que j’ai retrouvée au fond d’un placard. Il s’agit d’un concert qui a eu lieu en public en janvier 1983 à la maison de quartier de Doulon à Nantes. Quelques mois plus tard je partais à Boston étudier l’arrangement et la composition.
La bande son n’est pas terrible, c’est un euphémisme, mais ce n’est pas le propos.
Je tiens à le présenter comme un témoignage de la créativité qui était à l’époque presque sans limite. Il y avait encore des producteurs assez fous pour financer des expériences (pour les curieux il faut écouter la production du label ECM). Hélas il faut se rendre à l’évidence, ce n’est presque plus le cas aujourd’hui.
Un moment de pure liberté et de free jazz
Nous avions préparé ce blues en trio comme devant être un moment de pure liberté sur le sujet, l’objectif était de « lâcher prise » autant que possible. Rien n’était écrit !
Le résultat n’est pas trop décevant et on entend nettement les influences free jazz qui nous venaient des jazzmen américains des années 1980.
A propos de free jazz, en 2012 au Palais des Congrès de Nantes, je suis allé écouter le quartet formé par Wayne Shorter, John Patitucci, Danilo Perez et Brian Blade, car je savais qu’ils montaient sur scène sans savoir ce qu’ils allaient jouer et ce fut pour moi un moment de bonheur, de la pure musique sans un compositeur ou un leader qui impose ses formes.
Le chant permet d’exprimer des émotions avec intensité
A cette époque je commençais à accompagner mes improvisations par des interventions chantées. A la fin du blues, je me sers d’une technique vocale qui imite le son d’un soufflant. Cela me permettait de jouer à la fois un accompagnement guitare et une partie mélodique au chant en imitant le son d’un trombone. De plus, le fait de chanter certains passages me donnait l’occasion de faire passer mes intentions vers les autres musiciens car dans le son de la voix je pouvais exprimer un feeling, des émotions que la guitare ne donne pas à entendre avec la même intensité.
Disparition des bars jazz à Nantes
Dans les années 80, les gens de ma génération s’en souviennent, Nantes était quadrillée de bars où l’on pouvait jouer presque tous les soirs. Aujourd’hui, les derniers bars musique sont exilés au hangar à bananes, et aucun à ma connaissance ne programme plus de jazz. « tristes tropiques »…
A Nantes, à part le Panonica, il n’y a plus de club et bar jazz au centre ville. Comment voulez-vous que les jeunes musiciens apprennent leur métier s’il n’y a plus d’endroit où se produire ? Mais ça c’est le moindre des soucis des politiques !